Ma dépression est résistante : pourquoi ? que faire ?

On parle de dépression résistante quand un traitement approprié a été mis en œuvre pendant plusieurs semaines, sans résultat.

C’est assez fréquent : environ 30 % des états dépressifs connus et soignés ne répondent pas bien ni tout de suite au traitement. Les raisons en sont multiples. C’est une autre phase de traitement qui doit s’ouvrir pour laquelle tout doit être reconsidéré. Souvent le traitement devra être infléchi voire changé.

Quel est le traitement approprié pour une dépression ?

La majorité de la communauté médicale considère qu’un état dépressif caractérisé, durable, entraînant une réelle souffrance psychique ou une incapacité à mener sa vie habituelle doit être traité par des médicaments. Nous laissons de coté les moments dépressifs transitoires qui font suite à une perte ou à un deuil.

Ainsi, les grandes lignes du traitement sont:

  • un antidépresseur à dose correcte: il en existe différentes familles détaillées dans Psyway.
  • avec souvent, l’adjonction d’un médicament pour traiter l’angoisse voire d’un somnifère pendant une brève période
  • une approche psychothérapique plus ou moins intensive mais nécessaire
  • des échanges de psychoéducation avec des pairs

Quand une dépression ne s’améliore pas, il faut d’abord vérifier quelques points essentiels

  • D’abord, la personne souffrant prend-elle un traitement à dose suffisante et de façon régulière ? La dose suffisante est variable d’une personne à l’autre. Elle dépend des caractères biologiques, génétiques de la personne. On pourra procéder à une augmentation raisonnée de la dose si la personne ne va pas mieux.
  • La personne doit prendre le médicament de façon absolument régulière, c’est la “compliance”. Prendre un antidépresseur pendant quelques jours, se sentir un peu mieux, et l’arrêter avec l’espoir confus d’échapper à un traitement qui fait peur est une erreur. Les moyens existent pour éviter les oublis, même non intentionnels : pilulier, applications de rappel, recours à l’entourage.
  • Selon les personnes, l’efficacité du médicament peut se révéler au bout de 8 jours 15 jours, 3 semaines, même si plus tôt, la personne éprouve déjà un début de soulagement. Elle ressent moins d’angoisse, dort mieux, se sent mieux et commence à sentir un peu plus de courage  et d’espoir.
  • La durée du traitement est importante : de 6 mois à un an pour éviter le risque de rechute.
  • Un abord psychothérapique, même non formalisé dans des séances régulières, s’impose toujours. Il est d’un grand intérêt pour la prise de conscience qui n’est pas toujours évidente. La personne qui souffre peut ne pas en être consciente du fond du problème, à l’origine de la dépression. De fait, le plus souvent, la prise de conscience apporte un réel soulagement mais ne doit pas faire abréger le traitement.

A partir de quoi et à partir de quand, parle-t-on de dépression résistante ?

De fait, on dit qu’une dépression est résistante si:

  • successivement deux médicaments antidépresseurs à dose thérapeutique n’ont pas montré d’efficacité
  • pendant une durée d’au moins 8 semaines
  • la “dose thérapeutique” tenant compte du poids de la personne et d’une éventuelle résistance biologique au traitement. Ainsi on pourra vérifier ce point par le dosage de la concentration plasmatique du médicament. Le laboratoire fournit une fourchette de concentration plasmatique efficace.

Devant une dépression résistante, on cherchera des indices diagnostiques qui ont pu échapper au médecin, aux proches, voire même à la personne

  • D’abord des indices de bipolarité. La dépression peut les avoir masqués. Ce peut-être : une certaine excitation psychique, l’impression de penser très vite, une agitation interne, une irritabilité. On pourra mettre en évidence une difficulté parfois ancienne à dormir, une idée obsédante de suicide qui revient en force.
  • Ces éléments peuvent être actuels et/ou avoir fait partie du caractère de la personne, sans qu’on les ait compris comme signes d’un trouble. Souvent la personne aura gardé cela “secret”.
  • Le plus souvent, la bipolarité a une origine génétique, familiale : il faudra donc s’interroger sur l’existence chez les parents et les grands-parents, les oncles et tantes, d’état dépressifs récurrents, soignés ou pas. Voire de suicides. Mais aussi de phases d’excitation psychique : euphorie nette, sans rapport avec la réalité, jovialité excessive, hyperactivité, achats impulsifs, dépenses excessives, sommeil court, propension aux jeux. Cela a pu donner lieu à des soins prolongés avec ou sans hospitalisation. Mais parfois cela n’aura pas été repéré comme problématique.
  • On trouve souvent que la dépression actuelle n’est pas la première. En effet, une succession de dépressions depuis l’adolescence, évoquant une dépression récurrente.
  • La bipolarité doit être l’objet d’un traitement spécifique car les antidépresseurs courants ne suffiront pas ou risquent même créer des complications. On fera appel à un  thymoregulateur : Teralithe, Lamotrigine, Divalproate, Carbamazepine, Quétiapine..).
  • Des recommandations internationales orientent le médecin prescripteur, selon le type précis du trouble mis en évidence.

On cherchera aussi, comme facteur de résistance ou de non-réponse au traitement

  • l’existence d’un état dépressif mélancolique qui n’était apparu comme tel au début (culpabilité, auto-accusations délirantes, pensées suicidaires, sentiment de forte incapacité, ralentissement psychomoteur)
  • L’existence d’un stress social ou familial au long cours. Toujours actuel, il rend impossible de retrouver un équilibre durable et satisfaisant. Des entretiens familiaux pourront être utiles.
  • Une autre cause spécifique qui associe dans ses symptômes, une dépression fréquente : une insuffisance thyroïdienne ou une affection neurologique (maladie de Parkinson).
  • Cependant, certains éléments favorisent la résistance au traitement : l’âge du premier épisode, la durée de dépression non traitée, le nombre d’épisodes antérieurs, une addiction actuelle, un trouble anxieux associé, un trouble de la personnalité, un état de stress post-traumatique, de mauvaises conditions socio-économiques, des médicaments favorisant la dépression (interferon, corticoïdes, antipsychotiques de 1ère génération..).
    Attention de ne pas interrompre ces médicaments et demandez conseil à votre médecin.

En conséquence, devant une dépression résistante, le psychiatre traitant pourra réviser le diagnostic. Et en conséquence, opérer un remaniement du traitement

Ainsi, différentes voies nouvelles doivent être essayées. Le plus souvent:

  • un changement d’antidépresseur: il en existe différentes familles
  • l’ajout d’un deuxième antidépresseur faisant partie d’une autre famille
  • l’ajout de lithium ou d’un autre thymorégulateur
  • un antipsychotique de 2e génération : olanzapine, aripiprazole, quétiapine
  • dans des cas difficiles on envisagera des séances de rTMS, d’électro convulsivo thérapie (ECT) ou un traitement par Ketamine, en service spécialisé.

Voir aussi : La Fondation Fondamental, La Revue médicale suisse,

Sources : Plusieurs éléments rapportés dans cet article ont été recueillis lors d’une conférence “Les recommandations sont-elles recommandables? dans le cadre du Congrès de l’Encéphale du 18 janvier 2023 : interventions du Pr Antoine Yrondi, du Pr Bénédicte Gohier et du Pr Ludovic Samalin. Président : Philippe FOSSATI, Présidente : Marie TOURNIER, Expert : Serge BEAULIEU

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