Grossesse : le couple face au valproate et ses dérivés

Les psychiatres ne peuvent plus ignorer les risques liés à la prescription du valproate et de ses dérivés (Dépakote® Dépamide®) chez une femme en âge de procréer, en cas de grossesse. L’agence européenne du médicament (EMA) et l’ANSM en France étendent aujourd’hui la prévention des risques aux futurs pères qui prendraient ces médicaments. L’ANSM formule ceci…

” la poursuite de la contraception est recommandée au moins trois mois après l’arrêt du traitement. De même, il est demandé aux patients traités par valproate et ses dérivés de ne pas réaliser de don de sperme pendant le traitement et pendant les trois mois qui suivent son arrêt”.

Ainsi, avec ces médicaments, la discussion des alternatives thérapeutiques, et la mise en route d’une contraception ou son arrêt  sont soulignées et élargies. Car ces dimensions de la prescription  ne concernent pas les femmes seulement, mais le couple en âge d’avoir des enfants lorsque le partenaire prend du divalproate de sodium – Dépakote® ou du valpromide- Dépamide®. Nous pouvons en effet rencontrer des situations où c’est le futur père qui reçoit ces médicaments, lui seul.

Rappel : l’utilité en psychiatrie du valproate et de ses dérivés divalproate de sodium et valpromide- Dépamide®

Rappelons que ces médicaments sont des régulateurs de l’humeur, ou thymorégulateurs, ou normothymiques. On les utilise dans les bipolarités. Soit pour le traitement (effet curatif), soit pour la prévention (effet préventif) des états maniaques et des états mixtes, qui mêlent les symptômes dépressifs et d’excitation. L’organisme transforme le valpromide en divalproate à 90%. Ainsi, dans l’organisme, les deux produits sont très proches.

Il existe maintenant un médicament générique du Dépakote®, nommé Divalcote. Ce médicament présente les mêmes indications et contre-indications que le médicament princeps Dépakote® .

On recommande ces produits plutôt « en seconde ligne », lorsqu’on ne peut pas prescrire d’autres médicaments, en particulier le lithium. Cependant, il faut noter que le lithium justifie également des précautions d’emploi en cas de grossesse, moins absolues cependant et plus limitées que celles du valproate et de ses dérivés

 

 

Cet article s’attache aux problèmes de prescription des dérivés du valproate en cas de grossesse ou de possibilité de grossesse.

  • Pour leurs autres caractéristiques générales (Formes pharmaceutiques, indications), voir l’article Divalproate- Dépakote® et Valpromide- Dépamide® 
  • Le même article traite également les autres questions et précautions liées à leur prescription (bilan clinique et biologique, contre-indications, mise en route, surveillance, associations problématiques de produits, arrêts de traitement, etc.)

 

Chez une femme en âge de procréer

La grossesse contre -indique ces médicaments, ainsi, la Haute Autorité de Santé (HAS) est formelle :

« il ne doit pas y avoir de grossesse sous Dépakote® et Dépamide®… Chez les femmes enceintes, un traitement par Dépakote® et Dépamide® ne doit JAMAIS être prescrit ». Les mêmes règles s’appliquent au médicament générique.

  • En effet, il existe un risque important de malformations fœtales et de troubles graves du développement du futur enfant à naître. D’autres médicaments doivent être préférés chez la femme en âge de procréer
  • Des alternatives médicamenteuses existent
    • les antipsychotiques atypiques (l’olanzapine, la rispéridone, l’aripiprazole, et la quétiapine) en première intention ;
    • les neuroleptiques conventionnels (certains hors AMM) et l’oxcarbazépine- Trileptal® (hors AMM) peuvent être envisagés en deuxième intention. L’oxcarbazépine est un inducteur enzymatique pouvant induire une efficacité moins importante des contraceptifs oraux.
  • Au total, la possibilité d’une grossesse, à plus forte raison le désir d’une grossesse contre-indiquent ces médicaments.

 

Ainsi, que faire chez les filles et femmes en âge d’avoir des enfants chez lesquelles divalproate ou valpromide sont les seuls traitements thymorégulateurs envisageables ?

  • Chez une femme en âge de procréer, si une spécialité à base de valproate est cependant prescrite (inefficacité ou intolérance aux alternatives médicamenteuses existantes), toutes les conditions de sécurité doivent être respectées
    • Un test de grossesse doit vérifier l’absence de grossesse en cours
    • On doit informer la patiente des risques de malformations congénitales et de troubles neuro-développementaux, et des options thérapeutiques
    • Une contraception efficace est indispensable pendant tout le traitement
    • Une prescription annuelle par un psychiatre est obligatoire. Un autre médecin peut faire le renouvellement d’ordonnance. Les médecins réévaluent le rapport bénéfice/risque annuellement, et en urgence en cas de grossesse accidentelle, qui implique des mesures particulières
    • Le psychiatre demande de signer un document attestant que la patiente est bien informée des risques de ces médicaments et de la nécessité d’une contraception. Le pharmacien demande cet accord de soins à la patiente pour lui délivrer le médicament
    • Lorsque la personne traitée par valproate ou valpromide envisage une grossesse, on insiste sur deux points
      • Elle ne doit pas arrêter la contraception d’elle-même.
      • Il est indispensable d’en discuter avec son psychiatre. Celui-ci met tout en œuvre pour stopper progressivement ce traitement, en prescrivant si besoin un autre médicament

Deux sites officiels détaillent un « programme de prévention de la grossesse » sous divalproate et valpromide

 

 

  • A part, le Centre de référence des agents tératogènes (CRAT) fournit des renseignements très détaillés sur les risques liés au valproate et ses dérivés

 

 

Chez l’homme en âge de procréer, l’ANSM a introduit récemment des restrictions assez proches de celles de la femme si une conception est possible voire envisagée.

Si le futur père doit être traité par le valproate et ses dérivés, l’ANSM écrit ceci

  • “Si vous êtes un homme traité par un médicament contenant du valproate ou un de ses dérivés
  • -n’arrêtez pas votre traitement sans en parler à votre médecin. L’arrêt du traitement expose à la réapparition des symptômes
  • une méthode de contraception efficace pendant le traitement et au moins 3 mois après l’arrêt doit être discutée avec votre médecin (et avec la conjointe)
  • si vous envisagez d’avoir un enfant contactez votre médecin. Il échangera avec vous sur ce risque potentiel et les éventuelles alternatives thérapeutiques
  • Si vous allez avoir un enfant, contactez votre médecin pour lui faire part de vos interrogations
  • Si vous avez déjà un enfant et que vous avez des interrogations sur sa santé votre médecin pourra vous orienter si besoin vers une plateforme de coordination et d’orientation spécialisée (PCO)
  • vous ne devez pas faire don de sperme au cours de votre traitement avec le valproate ou l’un de ses dérivés, het au moins 3 mois après l’arrêt de celui-ci

 

 

Précisions concernant l’arrêt du traitement

Les préconisations de la HAS et de l’ANSM rejoignent les précautions générales concernant l’arrêt des thymorégulateurs (et d’autres psychotropes)

  • La prise régulière du traitement préventif est importante. En effet, l’arrêt brusque expose à des malaises ou risques divers, ou à une rechute
  • Pour ces raisons, l’arrêt d’un traitement prolongé doit être très progressif. Il doit être réalisé en collaboration avec le médecin prescripteur

En cas d’oubli d’une prise de valproate et valpromide

  • Si le retard est inférieur à deux heures, prenez le médicament comme prévu ce jour là
  • Si le retard excède deux heures, attendez le lendemain pour reprendre le médicament
  • Ne doublez jamais les doses pour compenser l’oubli d’une prise
  • Divers moyens rappelés dans les fiches médicaments permettent de ne pas oublier ses prises

Recommandations importantes sur les médicaments psychotropes

Sources principales de cet article

Dans Psyway

Pour mieux connaître la bipolarité

Psyway n’a aucun lien d’intérêt avec les laboratoires pharmaceutiques

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