Antidépresseurs et sexualité : quels effets secondaires : que faire ?

La prise d’antidépresseurs entraîne souvent des effets indésirables d’ordre sexuel. Les personnes évitent souvent de parler au médecin prescripteur car ce sujet est encore tabou.

C’est donc à celui-ci de s’enquérir, avec assez de tact pour évaluer la présence et l’importance des troubles sexuels. Mais aussi leur impact sur la qualité de vie de la personne et sur ses relations avec le partenaire.

C’est un problème d’autant plus important dans les traitements antidépresseurs qu’ils sont souvent assez prolongés.

Antidépresseurs et sexualité font-ils bon ménage ? Dans la dépression, le plus souvent, on ressent une baisse d’intérêt pour la sexualité.  Pourquoi ? Parce que l’angoisse ou l’anxiété, le malaise dépressif, la perte d’énergie, la perte générale du plaisir, le repli sur soi, affectent déjà  beaucoup le désir sexuel et la pratique sexuelle. Plusieurs semaines après la prise du traitement, lorsque le désir sexuel commence à revenir, les personnes constatent souvent des modifications dans leur « libido ».

Ainsi, chez la femme, c’est d’abord la baisse du désir et de l’intérêt pour la sexualité qui s’exprime. Elle se sent devenir neutre à cet égard. Mais c’est aussi la diminution de la possibilité d’excitation sexuelle, de la capacité à répondre à une invite et à ressentir du plaisir qui l’inquiète. S’ajoutent selon les cas, des difficultés à atteindre l’orgasme d’où une frustration et une souffrance générales.

Mais attention, la femme, pendant la préménopause et la ménopause, marquées par la baisse du taux d’œstrogènes circulants, peut aussi souffrir d’une réduction de l’excitabilité et de l’atténuation des sensations sexuelles érogènes. Ceci est sans rapport avec la prise du médicament.

Chez l’homme, c’est une perte d’intérêt pour la sexualité, contrastant avec son habitude. Il s’inquiète de ses troubles de l’érection, il se sent peu désirable d’autant qu’il souffre d’une baisse de l’estime de soi. S’ajoute souvent une anxiété à l’égard de sa possibilité de performance sexuelle. Mais attention, chez l’homme, un mauvais état vasculaire peut aussi être en cause.

Cependant, les médicaments antidépresseurs ajoutent leur propre effet sur la sexualité

Chez la femme, diminution ou perte de la libido, baisse de lubrification et anesthésie vaginale, ou clitoridienne, réduction ou absence d’orgasme, partielle ou complète voire douleur dans le rapport sexuel (dyspareunie et vaginisme). Au total une réduction de la satisfaction sexuelle.

Chez l’homme, il peut s’agir d’une impuissance ou d’une difficulté à maintenir l’érection, d’une lenteur voire d’une absence d’éjaculation et d’orgasme, d’une éjaculation douloureuse. Donc, au total d’une réduction de la satisfaction sexuelle.

Tous les antidépresseurs n’ont pas le même effet sur la sexualité

En premier lieu, comme toujours, les effets secondaires ne surviennent pas forcément chez tout le monde ni au même degré. Ces effets sont variables et réversibles : il n’y a pas de règle générale. On peut fort bien prendre un antidépresseur sans ressentir des effets négatifs sur la sexualité. Il arrive même que pour les hommes éjaculateurs précoces, certains antidépresseurs améliorent cette difficulté.

Les premiers antidépresseurs tricycliques avaient tous un fort impact sur la sexualité. Il s’agissait de la clomipramine (Anafranil), de l’imipramine (Tofranil), de l’amitryptiline (Laroxyl). Ils sont maintenant moins prescrits mais utiles à faible dose.

Mais avec la nouvelle génération d’antidépresseurs (IRS et IRSNA) on peut être plus nuancé.

La paroxétine (Deroxat), l’escitalopram (Seroplex) et la venlafaxine (Effexor) sont fréquemment à l’origine d’effets négatifs sur la sexualité. Puis, par ordre décroissant :

  • la fluoxétine (Prozac ®)
  • la fluvoxamine (Floxyfral ®)
  • la sertraline (Zoloft ®) présentent un moindre risque d’effet négatif.

Certains antidépresseurs ont un risque plus faible d’effets secondaires sexuels :

  • le bupropion (Zyban®) surtout utilisé pour le sevrage tabagique en France
  • la mirtazapine (Norset ®) mais attention au risque de prise de poids
  • la miansérine (Athymil ®) mais attention au risque de prise de poids
  • la duloxétine (Cymbalta ®)
  • l’agomélatine (Valdoxan ®) mais la surveillance hépatique régulière est nécessaire.
  • le moclobemide (Moclamine ®) fait partie de la famille peu utilisée en France. Il fait partie des Imao non sélectifs (association déconseillée  avec les tryptans, la venlafaxine). En cas de passage d’un antidépresseurs IRS a un antidépresseur I.M.A.O., suspendre l’antidépresseur pendant quelques jours
  • la trazodone et la reboxétine ne sont pas commercialisés en France mais sont accessibles partout en Europe.

Que faire devant un des effets secondaires sexuels durables des antidépresseurs ? Quelles sont les possibilités ?

Tous les effets secondaires des médicaments dépendent de la dose.

  • par conséquent, vous pouvez procéder, le moment venu, quand vous vous sentez mieux, à une réduction progressive et limitée. Elle devra être très prudente, de préférence, en accord avec votre médecin prescripteur pour ne pas risquer une rechute.
  • Changer votre antidépresseur pour un autre présentant moins d’inconvénients sexuels
  • Réduire la dose de votre antidépresseur et la remplacer par une petite quantité de Mirtazapine (Norset ®)
  • Éloigner la prise d’antidépresseurs du rapport sexuel. Une suspension d’une journée de l’antidépresseur n’a pas de conséquences importantes. Mais attention au piège : vous pouvez aller très bien pendant une journée ou 2 sans antidépresseur : cela ne signifie pas que votre traitement puisse être complètement arrêté.
    Cette mesure ne sera pas efficace avec la fluoxétine (Prozac) dont la persistance dans l’organisme est de plusieurs jours : 5 à 6 jours. Avec ce médicament, seul la réduction de la dose quotidienne peut être efficace.
  • la buspirone est un anxiolytique non benzodiazépinique qui peut avoir un effet favorable sur la stimulation des récepteurs en cause.
  • Enfin, les stimulateurs de la fonction érectile chez l’homme, le sildenafil (Viagra ®) et le tadanafil (Cialis ®) peuvent avoir un effet très favorable. Des précautions sont à connaitre : 1 prise par jour au moins une heure avant l’activité sexuelle, en dehors de toute pathologie cardiaque importante.

Un bilan hormonal peut montrer des dysfonctionnements

chez l’homme : testostérone libre et totale, fonction thyroïdienne, niveau de prolactine.

Chez la femme : estradiol, FSH et LH

L’usage de toxiques n’est pas anodin sur la fonction sexuelle : alcool et tabac altèrent la fonction sexuelle

D’autres médicaments (antihypertenseurs bétabloquants..) peuvent être à l’origine ou aggraver une dysfonction sexuelle.

Sources

Martin-Du Pan R., Baumann P., Dysfonctions sexuelles introduites par les antidépresseurs et les anti psychotiques et leur traitement, Revue Médicale Suisse, 2008; 4:758-62

Licitsina O., Ansseau M., Pitchot W., dysfonction sexuelle et antidépresseurs, Revue Médicale de Liège ,2011

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