L’infirmier de pratique avancée en psychiatrie et santé mentale

Le récent statut professionnel d’infirmier de pratique avancée : vers un nouveau dynamisme voire une nouvelle efficience aux équipes de soins psychiatriques ?

Le concept de “pratique avancée” a déjà cours depuis de nombreuses années dans plusieurs pays : États-Unis, Canada, Angleterre, Finlande…

En France, c’est en 2018 que nait le statut d’infirmiers(ères) de pratique avancée, ouvrant de nouvelles possibilités dans le suivi:

  • des pathologies chroniques : oncologie, onco-hématologie, maladies rénales chroniques, insuffisance rénale, dialyse et transplantation
  • mais aussi possibilité de prescription de certains médicaments, dispositifs médicaux et de certains examens de biologie médicale

Le champ de compétences de ces professionnels devait être assez étendu mais soumis à l’accord du médecin : orientation, éducation, prévention, dépistage, évaluation, surveillance clinique et paraclinique, adaptation du suivi des patients en fonction des résultats des actes techniques

Cependant la psychiatrie était étrangement absente du nouveau dispositif de “pratique avancée” malgré une charge accablante :

  • 15% des dépenses de santé (2ème poste des dépenses remboursées par l’assurance maladie, avant le cancer) en 2016
  • 360 000 hospitalisations d’adultes de 18 à 79 ans en 2018
  • dont 15 000 adultes de plus de 80 ans
  • 17, 8 millions de journées de présence à temps plein
  • Une augmentation constante de la population suivie en CMP et d’importants délais d’attente

Mais, en août 2019, devant la protestation de la profession, le faux pas est rattrapé.  Le statut d’Infirmier (ère) de pratique avancée est étendu à la psychiatrie et à la santé mentale.

Le décret du 12 aout 2019 précise les nouvelles compétences :

  • utilisation de techniques de médiation à visée thérapeutique
  • prescription des dosages médicamenteux (lithium, acide valproïque, carbamazépine, clozapine)
  • recherche de produits toxiques
  • renouvellement ou adaptation de la prescription des thymorégulateurs, psychostimulants, antipsychotiques atypiques, neuroleptiques conventionnels, antiépileptiques approuvés dans le traitement de troubles psychiatriques et traitement de substitution aux opiacés
  • ces compétences devant s’exercer dans le cadre d’un protocole écrit d’organisation du travail de l’équipe entre psychiatre(s) et infirmier(s) de pratiques avancées.

Notons que les premiers infirmiers ont été diplômés en juin 2020. Dorénavant, plusieurs universités proposent cette formation, à Paris, Lyon, Nantes, Lille, Brest, Clermont-Ferrand..

Cependant, la crise de la COVID-19 a montré les besoins de l’utilisation du numérique en psychiatrie.

D’où notre question : n’y a-t-il pas un nouveau champ d’action pour ces nouveaux professionnels de pratique avancée, intermédiaire entre le corps médical et la profession infirmière ?

L’importante marge d’autonomie que permet le nouveau statut pourrait être utilisée dans des modalités d’intervention proches de la téléconsultation médicale et du télésoin.

Le numérique pourrait enrichir la relation infirmière et ouvrir de nouvelles voies de présence et de soin (maintien de la relation, prévention de la rechute, adaptation des traitements psychotropes, téléconsultation, contact avec les aidants, soins facilités aux patients qui se déplacent difficilement…). Une bonne expérience de la relation individuelle et du travail en équipe demeurent un socle indispensable.

Mais, pour éviter les difficultés techniques qui sont sources de retard et de déception dans l’utilisation de ces moyens, il est nécessaire, en période de fonctionnement normal, de se lancer dans des formations, de penser à l’équipement adéquat, simple et sécurisé.

Des obstacles psychologiques et culturels ?

Nous savons que la prévention des équipes de soins psychiatriques est forte quant à toute innovation par la technologie numérique. Car le numérique est souvent connoté avec l’idée de déshumanisation des soins.

Or la crise Covid a montré plutôt un gain en  ce domaine

Les choses sont peut-être en train de changer : les équipes ont constaté l’économie de temps, la diminution du risque de contagion, la régulation possible du traitement permis par ces moyens (pour l’instant, principalement le téléphone). Mais le smartphone n’était pas loin, lui qui ne nécessite aucun équipement particulier et qui rend possible un contact visuel très précieux si le patient est équipé, informé et consentant.

Documentation

Voir les articles remarquables parus dans L’information Psychiatrique 2020 ; 96

  • Perrin-Niquet A., De l’infirmier de secteur psychiatrique à l’infirmière de pratiques avancées en santé mentale et psychiatrie
  • Margat A., Debout C., Mercier A., Chevalier F. Le nouveau diplôme d’État infirmier en pratique avancée mention Psychiatrie et Santé Mentale
  • Gakou S., Infirmière en pratique avancée dans le domaine de la psychiatrie

Loi N° 2019–774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

Décret numéro 2018–629 du 10 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée

Infirmière en pratique avancée –DGOS – Collin C., Feuillebois B., Lamarche Marine 

Image Pixabay

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