Vassilis Kapsambelis : “Le schizophrène en mal d’objet”

Le Dr Vassilis Kapsambelis est psychiatre et psychanalyste. Il pratique le psychodrame analytique, avec son équipe, avec des patients schizophrènes.

Il publie un ouvrage “Le schizophrène en mal d’objet” (Paris, PUF, Collection Le fil rouge, 2020)

Vassilis Kapsambelis, membre titulaire de la Société Psychanalytique de Paris, y parle de sa pratique, à la fois comme psychiatre au sein de l’Association de Santé Mentale du 13ème arrondissement de Paris, et comme analyste avec des patients psychotiques, souvent schizophrènes.

Il dirige le Centre de Psychanalyse Evelyne et Jean Kestemberg, un des rares centres de traitement accueillant gratuitement des patients, non névrotiques, pour des traitements psychanalytiques.

V. Kapsambelis signe un ouvrage où, selon le mot de René Angelergues, “l’intelligence analytique éclaire le fait psychiatrique, et le fait psychiatrique peut rembourser une partie de sa dette à l’égard de la psychanalyse, en contribuant pour partie à l’étude du fait psychique.”

Il repère trois grandes étapes dans la rencontre thérapeutique avec un patient schizophrène

  • Première étape : celle de l’interposition objectale où il s’agira pour le thérapeute de se proposer comme “objet” à investir, quitte à assumer une nécessaire “violence séductrice“. Ce peut être le cas aussi bien au sein de l’institution soignante que dans l’amorce d’un véritable travail analytique. Un nouvel “objet” qui s’interpose entre le patient et le chaos des objets qui peuplent sa vie psychique.

L’auteur explore ainsi cette troisième voie entre “l’or de la cure-type et le cuivre de la suggestion”, selon l’expression de Freud. Un modèle où l’objet parle, agit et interpelle le Moi et dont le paradigme pourrait être le psychodrame analytique, comme créateur et explorateur de nouvelles réalités potentielles.

  • Deuxième étape, l’instauration d’une relation érotomaniaque où le patient schizophrène qui est ainsi investi et « aimé » n’a pas à se prononcer si lui « aime » ce nouvel objet qu’est le thérapeute. La relation érotomaniaque tiendrait ainsi lieu de « transfert de base » en réalisant le tour de force d’intégrer la différenciation moi/objet, tout en faisant l’économie du deuil originaire (P.C. Racamier).
    L’auteur interroge la notion controversée de transfert des patients psychotiques, lui préférant la notion de substitution. Le lecteur peut le suivre ou pas, dans cette voie, et penser transfert par projection plutôt que déplacement.

 

  • Enfin, écrit-il, si la plupart des patients schizophrènes reste dans une position érotomaniaque de bon aloi, quelques-uns peuvent s’interroger sur « l’objet de l’objet », passage nécessaire de “l’objet subjectif ” à “l’objet objectif » selon D.W. Winnicott.

Vassilis Kapsambelis se différencie de la psychothérapie intersubjective ou interpersonnelle en précisant qu’il n’y a pas de véritable rencontre sujet-sujet en psychanalyse : il n’y a que des rencontres sujet-objet. Le patient investit le thérapeute comme “objet” mais l’analyste investira prioritairement le processus analytique.

Aliénation ou subjectivation ?

Il interroge enfin les notions d’aliénation et de subjectivation. Il considère que toute aliénation parle finalement du lien à l’autre et que les processus de subjectivation ne sont rien d’autre que notre façon de nous constituer à travers les autres tout au long de notre vie.

Une « aliénation » constitutive de l’être humain, dont paradoxalement les patients schizophrènes, « auto-engendrés » (P.C. Racamier),  ne voudraient pas.

Voici un ouvrage où la métapsychologie freudienne est en bonne place mais une métapsychologie toujours relayée et étayée par la clinique et la préoccupation d’un traitement psychique à apporter aux patients schizophrènes, de la part d’un thérapeute assumant magistralement « une certaine façon d’être présent » (selon l’expression de S. Nacht).

 

Par Brigitte KAMMERER – Psychologue clinicienne, psychanalyste

 

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