La dépression mélancolique – sismothérapie – ECT – témoignage 1

Bérangère a traversé une phase de dépression très grave, nommée mélancolie. Après de nombreux traitements médicamenteux, son état ne cessait de s’aggraver. Sa vie était en danger. Des pensées de mort l’envahissaient. Les psychiatres l’orientent vers une technique de soins ancienne mais reconnue : l’électroconvulsivothérapie ou sismothérapie ou ECT. Méthode améliorée de ce qu’on appelait autrefois : électrochocs. Voici son témoignage.

” N’ayant pas d’autre maladie que la dépression mélancolique, les médecins ont proposé de pratiquer plusieurs séances de sismothérapie qui m’ont sauvé la vie. Je fus surnommée « la miraculée » par l’équipe médicale. La dépression mélancolique, c’est ce dont je souffrais. Dès les premiers jours dans ce nouvel hôpital, les médecins décidèrent de diminuer le traitement médicamenteux que je prenais. Ils me firent passer un check-up pour savoir si je n’avais pas d’autre maladie, telle qu’un cancer.

Après quelques jours de soins intensifs par deux infirmières attentionnées, toujours alitée, je reprenais quelques forces, mais la mort me suivait toujours et la vie fuyait. Les médecins commencèrent le protocole qui était de 24 séances de sismothérapie avec une autorisation de mon mari, car je n’étais pas en état de le faire moi-même.

La sismothérapie consiste en une série de petits électrochocs provoquant une mini crise d’épilepsie. Elle nécessite une anesthésie générale que je devais donc subir 24 fois, à raison de deux fois par semaine. Lors des premières séances, j’étais dans l’incapacité de penser et de ressentir “corporellement”: c’était la dépression mélancolique. Je n’en garde que de vagues souvenirs de sensations. D’abord, j’étais sur une civière, puis plus tard dans une chaise roulante, j’étais  toujours « perdue dans ma tête ».

Traitement de la dépression mélancolique : comment se passent les séances de sismothérapie ?

Avant, le malade subissait la séance de sismothérapie tout éveillé ; maintenant il est endormi complètement durant les séances. Leur durée est de 3 à 4 mn seulement. Par contre, elles demandent une longue préparation. Prise de sang la veille. Rester à jeun sans boire à partir de minuit. Réveil à 6 h du matin avec obligation de mettre une tenue appropriée.

Les infirmiers(ères) formés à ces séances, viennent nous chercher ; nous pouvons être jusqu’à 6 ou 7 patients dans l’ambulance (couchés, assis ou debout). Quelques minutes plus tard, nous sommes devant le bâtiment approprié, ce dernier étant dans le même hôpital parisien. Une fois à l’intérieur, nous mettons des protège-chaussures en plastique bleu. Nous nous déplaçons silencieusement dans un très long couloir et longeons sur notre droite de nombreux bureaux vitrés, encore fermés car il est tôt. Sur notre gauche, une immense salle équipée pour ces séances, séparée de façon irrégulière par d’énormes rideaux mobiles.

Inconsciente psychiquement jusqu’à la 14e séance, c’est la dépression mélancolique, je marcherai comme un fantôme jusqu’à « mon réveil à la vie » où j’aperçus alors dans cette salle des malades sur leur lit roulant : des hommes, des femmes mais aussi des adolescents en attente des séances de sismothérapie. Certains ont la tête bandée et leur visage est si fragile qu’il donne l’impression qu’il pourrait se briser.

Nous arrivons enfin dans ce que j’appelle maintenant « notre espace » toujours le même, où se trouvent douze lits, avec, situé à leur tête, un ordinateur. Nous avons le choix du lit… Le choix est fait. Je porte un pyjama d’hôpital et mes pieds sont nus car durant la séance, le mouvement des pieds permet aux médecins de contrôler la « crise » provoquée.

Préparatifs aux séances de sismothérapie

Au début, sur le lit mobile, les infirmiers m’installent. Après quelques séances, je m’y allonge toute seule, la tête du côté de l’ordinateur. L’infirmier me pose le brassard de tension branché directement à la machine. La sonnerie sonne sans arrêt, ma tension monte très vite quand je suis angoissée : « 18-19 ». Dans un environnement médical perçu comme stressant, la tension artérielle monte. Cela s’appelle « l’effet blouse blanche ». Comme tout le monde le sait, personne ne s’inquiète et moi non plus !

Quand toutes les personnes sont allongées et branchées aux appareils, l’infirmier me fait une intraveineuse pour poser le cathéter qui hydratera mon corps et plus tard m’endormira pour la séance. Mes veines souvent sollicitées sont devenues très dures : l’aiguille glisse à côté et le produit passe alors en dehors de la veine. C’est assez douloureux et surtout très angoissant car il faut à tout prix trouver une veine. L’infirmier pouvait me piquer jusqu’à 7 ou 8 fois et un peu n’importe où.

Une fois que tout est prêt, nous attendons l’arrivée des médecins. Sont toujours présents deux médecins et deux infirmiers sans compter les internes et les assistants (le nombre de patients variait de 2 à 7/8). L’équipe médicale arrive et nous passons un par un.

L’équipe médicale est autour de moi

Si je ne passe pas parmi les premiers, je m’efforce, les yeux fermés, de penser à autre chose. Nous ne voyons pas les autres patients durant la séance, les médecins tirent de grands paravents fixés au mur pour séparer les lits, mais nous les entendons. Je me souviens d’un homme passant juste avant moi qui eut une mauvaise réaction à la séance : il criait et bougeait beaucoup, nous entendions de drôles de bruits. J’ai supposé que la crise provoquée n’était plus contrôlable.

Les médecins et les internes entourent mon lit ; je suis très angoissée et en même temps contente que cela soit enfin mon tour. Le psychiatre me pose quelques questions pendant que les infirmiers placent les électrodes de couleurs différentes à des endroits précis de mon corps : derrière le cou, sur les tempes, sur le dos, etc. Ils montent de hautes barrières de chaque côté du lit. L’angoisse monte, monte…

Les médecins savent me parler et me calmer, l’un des deux me pose un masque anesthésiant devant le visage et me demande de respirer le plus profondément possible. Il compte doucement jusqu’à vingt et je m’endors assez vite.

Trente à trente-cinq minutes plus tard, je me réveille avec une soif incroyable et une grande fatigue mais je suis soulagée. La séance est passée.

La mémoire du corps

Je me souviens très nettement, un jour où je ne devais pas être complètement endormie, d’avoir ressenti comme un grésillement assez fort au niveau de mes tempes (souvenir douloureux) puis de m’être endormie. Cette séance de sismothérapie s’est passée avant le 15 août 2014 : j’étais encore dans un état d’impuissance psychique totale caractéristique de la mélancolie. Ce qui me fait dire que malgré la perte de mémoire, malgré l’anesthésie générale, le corps se souvient. Le corps a une mémoire.

Cette souffrance inconsciente enregistrée par le système nerveux fait partie de notre mémoire. Malgré l’inconscience de la souffrance vécue, elle existe dans notre ressenti, dans notre manière de vivre, dans notre besoin, dans notre équilibre de vie. La psychanalyse est souvent nécessaire pour aller chercher dans notre inconscient afin de comprendre, d’accepter et trouver enfin un équilibre et peut-être même une force existentielle.

Pour lire la suite du témoignage de Bérangère :

La dépression mélancolique – ECT- sismothérapie – témoignage 2

La dépression mélancolique – ECT- sismothérapie – témoignage 3

 

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