Comprendre les médicaments neuroleptiques ou antipsychotiques

Vous prenez des médicaments appelés neuroleptiques ou antipsychotiques ?  Essayons de mieux les connaitre .. avec le Dr J.J. Bonamour du Tartre.

Ces médicaments, plus que les autres, inquiètent la personne concernée (et/ou sa famille). On craint pour son intégrité psychique, on se demande s’ils ne vont pas transformer la personnalité. Ou , s’il ne s’agit pas de drogues qui rendent malades, dépendants ou abrutis (la fameuse camisole chimique. Bref, on se demande si le remède n’est pas pire que le mal !

Tous les soignants en psychiatrie savent que les patients ont parfois bien des difficultés à suivre les traitements prescrits. Mais aussi à comprendre pourquoi ils doivent continuer à les prendre. Ils savent aussi que certaines interruptions de traitement peuvent avoir des conséquences sérieuses si ce n’est graves. Ceci, dans un moment où l’hospitalisation devient moins facile. Mais aussi que c’est le plus souvent la qualité de la relation avec chaque patient qui fait que les soins “marchent bien” ou pas.

Cependant, on peut aussi avoir besoin de mieux comprendre et de réfléchir seul. Cet article a pour ambition de rassembler l’essentiel de ce qu’il y a à savoir sur ces traitements.

A quoi servent les médicaments  neuroleptiques et antipsychotiques ?

Les neuroleptiques ou anti-psychotiques sont capables de réduire l’angoisse psychotique et les manifestations qui en découlent. Par exemple :

  • l’impression que les autres ont des mauvaises intentions et cherchent à vous nuire, allant jusqu’au sentiment de persécution.
  • L’impression que l’on cherche à communiquer avec vous par des moyens bizarres, par la TV ou la radio.
  • Il peut s’agir d’idées de grandeur ou de puissance allant jusqu’au délire,
  • ou d’hallucinations (voix qui vous parlent ou vous commandent),
  • Mais encore d’agressivité non contrôlée, d’agitation, d’insomnie.
  • de symptômes moins démonstratifs, comme une grande difficulté à penser
  • un désintérêt pour tout, un repli sur soi, une inactivité totale.

Enfin, chose très importante, il est souvent difficile au patient de prendre conscience du caractère anormal de ces manifestations.

Quand faut-il prendre des neuroleptiques ou antipsychotiques ?

On considère aujourd’hui qu’il est préférable de prendre ces traitements au plus tôt après l’apparition des troubles psychotiques. En effet, un traitement précoce semble limiter le risque d’évolution défavorable vers des maladies mentales avérées. D’autre part, il faut prendre ces traitements tant que le risque de reprise des symptômes reste présent.

Dans quels délais sont-ils actifs et comment les prendre correctement ?

D’une façon générale, c’est un traitement de longue durée : plusieurs mois à plusieurs années.

Ce traitement médicamenteux doit être pris chaque jour en une à deux prises, sous forme de gouttes ou de comprimés. Il ne rend ses pleins effets qu’après plusieurs semaines de prise régulière, mais plus rapidement quand on utilise des formes injectables.

Les doses de médicaments doivent être ajustées au fur et à mesure des effets du traitement par votre psychiatre traitant. C’est pourquoi il est important que vous lui fassiez part de ce vous avez ressenti ou de ce que l’on a constaté autour de vous.

Le plus souvent, un seul neuroleptique ou anti-psychotique suffit au traitement, et dans ces conditions, il a une efficacité satisfaisante dans environ deux cas sur trois. Parfois les délais d’action sont plus longs ou les effets insuffisants sur certains troubles, ce qui peut amener votre psychiatre traitant à augmenter les doses, à changer de produit, ou encore à en associer plusieurs pour atteindre une bonne efficacité.

S’il vous est difficile de prendre une traitement par comprimés de façon régulière et prolongée, il existe des formes injectables à action prolongée, une injection intramusculaire dans la fesse permettant d’assurer 2 à 4 semaines de traitement.

Notez enfin que l’oubli ponctuel d’une prise de médicaments n’a pas d’effets très gênants, à condition que cela ne se répète pas trop souvent, bien sûr…

Comment “marchent”  les neuroleptiques et antipsychotiques ?

Ces médicaments agissent sur certaines structures profondes du cerveau, selon des mécanismes extrêmement complexes dont on ne peut rendre compte simplement. D’une façon générale, on peut dire qu’ils abaissent sensiblement l’excitabilité du cerveau.

D’un autre point de vue, on peut considérer qu’ils constituent une sorte d’attelle aidant les structures mentales à rester bien articulées et cohérentes, alors que l’angoisse psychotique tend à les désorganiser.

Quels effets indésirables ?

Malheureusement oui, malgré les recherches constantes pour les améliorer, ces médicaments ne sont pas parfaits :

  • il arrive qu’en début de traitement surtout, des effets sédatifs importants amènent une sensation d’endormissement qui s’atténue par la suite,
  • moins fréquemment, il peut se produire une tendance à la baisse de la tension artérielle. Ce qui peut  provoquer des vertiges lors des changements de position un peu rapides
  • ils peuvent également entraîner des tremblements, des raideurs musculaires ou des impatiences (besoin de bouger les jambes
  • on constate également parfois des problèmes de salivation ou de constipation,
  • une prise de poids peut se produire surtout en début de traitement,
  • parfois également, des troubles sexuels transitoires

Cette liste peut paraître impressionnante, mais ces effets indésirables n’apparaissent pas du tout systématiquement, ni tous à la fois. Ils tendent à s’atténuer avec la durée du traitement. Certains peuvent être corrigés par l’ajout d’autres médicaments pour la tension, pour les troubles neuro-musculaires, pour la salivation ou la constipation.

Quel est le nom de ces médicaments et des correcteurs de leurs effets indésirables ?

Les premiers médicaments vraiment actifs sur les troubles psychotiques ont été les neuroleptiques, découverts dans les années 1950. Ensuite sont apparus dans les années 1990 des produits également actifs mais ayant moins d’effets indésirables qu’on a appelés antipsychotiques ou neuroleptiques atypiques.

  • Les neuroleptiques “classiques”, les plus anciens sont : Haldol (haloperidol), Largactil (chlorpromazine), Loxapac (loxapine), Fluanxol, Nozinan, Tercian, Clopixol.
  • Les anti-psychotiques plus récents : Abilify (aripiprazole), Risperdal (risperidone), Zyprexa (olanzapine), Solian, Xeroquel (quétiapine), Leponex (clozapine),
  • Parmi les neuroleptiques à action prolongée : Haldol Décanoas, Piportil L2 ou L4, Modécate, Clopixol AP, Fluanxol, Risperdal Consta, Xeplion
  • Médicaments correcteurs de la tension artérielle : DHE, Heptamyl, Praxinor, Gutron, Seglor, Tamik…
  • Médicaments correcteurs des effets neuro-musculaires : Artane, Akineton, Lepticur, Parkinane…
  • Médicaments correcteurs des problèmes de salivation ou de constipation : Sulfarlem S25, Lansoyl, Duphalac, Transipeg, Debridat, Senokot, Forlax…

Quelles précautions faut-il prendre avec les médicaments neuroleptiques et antipsychotiques ?

Lorsque le traitement est bien équilibré, il permet généralement d’avoir des activités normales sans restriction. Néanmoins, il faut être prudent pour la conduite d’automobiles ou d’engins, ces médicaments pouvant atténuer la vigilance. De même, il faut éviter les expositions prolongées au soleil, et la consommation d’alcool ou de drogues doit être modérée.

La surveillance de la tension artérielle et de la courbe de poids est indispensable en début de traitement. Il peut être nécessaire de faire des examens de sang pour contrôler la bonne tolérance de certains produits. Par ailleurs, un examen dentaire doit être fait de temps en temps pour vérifier que les problèmes de salivation n’ont pas d’incidence sur l’état des dents.

Si vous présentez une fièvre importante ou une maladie amenant des traitements d’une autre nature, signalez bien que vous prenez des neuroleptiques ou antipsychotiques à votre médecin. Il décidera peut-être de les suspendre durant quelques jours.

Quelle est la durée du traitement antipsychotique et comment l’arrêter ?

L’objectif de ces traitement est de réduire autant que possible les troubles psychotiques, car ceux-ci sont douloureux et éprouvants, et tendent à enfermer les gens sur eux-mêmes. Ils ont spontanément tendance à s’aggraver, à désorganiser la personnalité jusqu’à produire des maladies mentales lourdes et handicapantes. D’une façon générale, un traitement médicamenteux bien équilibré favorise les autres aspects des soins, psychothérapiques notamment.

L’ajustement du traitement par votre psychiatre traitant lors des consultations doit permettre de trouver la dose minimale efficace et de contrôler les effets indésirables.

La durée nécessaire de ces traitements est très variable, car tantôt les troubles psychotiques semblent guérir et disparaître complètement après 1 ou 2 ans de traitement, tantôt ils persistent sous traitement ou réapparaissent lorsqu’on l’arrête. Dans un certain nombre de cas, ces médicaments doivent être pris de façon permanente.

Quel risque en cas d’arrêt non contrôlé du traitement neuroleptique et antipsychotique ?

Cesser le traitement comporte toujours un certain risque de reprise des troubles psychotiques, c’est pourquoi il est préférable de le faire sous la surveillance d’un psychiatre.

En cas d’interruption de traitement, certains symptômes peuvent réapparaître ou s’aggraver : reprise de l’angoisse, de l’insomnie, des sentiments persécutifs ou des idées de grandeur, des hallucinations ou de l’agressivité non contrôlée, ou encore du repli sur soi.

Cependant, le traitement pris antérieurement « protège » encore des troubles psychotiques durant quelques jours à quelques semaines. Mais très souvent, l’arrêt du traitement et l’absence de contrôle médical de ce que cela produit aboutit à une nouvelle crise pénible, voire dangereuse pour le patient lui-même ou pour son entourage. Cette rechute se termine souvent par une (ré)hospitalisation.

Ces arrêts de traitement brusques,  non concertés risquent donc de compromettre les chances du patient de parvenir à maîtriser ses troubles et d’en limiter les effets néfastes. Il semble particulièrement inapproprié de cesser un traitement lorsqu’on doit fournir des efforts d’adaptation importants, reprise d’études ou d’activité, changement de logement ou d’orientation.

Si vous avez interrompu votre traitement, certains signes évoqués plus haut et une insomnie totale surviennent. Il vous faut consulter en urgence.

Un atout majeur pour réduire l’angoisse et les troubles psychotiques

Les troubles psychotiques comportent un risque évolutif important : certains semblent bien « guérir » sous médicaments neuroleptiques ou anti-psychotiques, d’autres sont plus difficiles à soigner, les schizophrénies, et peuvent nécessiter des traitements très prolongés.

Même si ces médicaments ne peuvent pas toujours assurer une guérison totale et définitive, ils sont un atout majeur pour réduire les troubles et le risque d’une évolution défavorable. On ne peut guère se passer de leur aide, car ils sont actuellement les seuls produits actifs.

Comme tous les traitements de longue durée et d’efficacité partielle, ils demandent beaucoup d’efforts aux patients et nombreux sont ceux qui se découragent ou préfèrent tout laisser tomber, quitte à prendre des risques importants pour eux-mêmes.

Dialoguer avec son psychiatre traitant ou ses soignants habituels et bien connaître les contraintes de ces traitements sont sans doute la meilleure façon d’en optimiser les effets et  de rendre les difficultés plus supportables.

Auteur : Dr J.J. Bonamour

Cet article est issu d’un document élaboré à l’intention des patients, familles et soignants du secteur psychiatrique n°6 des Yvelines, et modifié selon leurs observations et suggestions.

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2 Commentaire

Participez à la discussion et dites-nous votre opinion.

Suzanne Parizotrépondre
9 janvier 2024 à 9 h 18 min

article équilibré, complet. Bravo

Victor Souffirrépondre
17 janvier 2024 à 18 h 23 min
– En réponse à: Suzanne Parizot

Merci, chère Madame,nous avons été très heureux de publier ces deux articles, d’une qualité rare, de notre confrère J.J. Bonamour. Bien cordialement. V. Souffir

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